Notre patrimoine Tourserain

Notre patrimoine Tourserain

Bien que nous ne soyons qu’une petite et discrète commune de Savoie, nous n’en possédons pas moins un riche patrimoine topographique, rural, industriel, religieux, commercial et linguistique.

Patrimoine topographique

  Le village est bâti sur le cône de déjection accumulé par les alluvions du Grand Ruisseau, appelé aussi le Nant de Saint Clément, qui prend ses sources au pied de la Grande Journée et sous les alpages de l’Aulp de Tours. La ligne médiane du triangle ainsi formé est à peu près le Canal des Usines, aménagé au XVIIème siècle vraisemblablement sur un bras naturel du Grand Ruisseau dont le cours principal a été refoulé au pied de la montagne par une grande digue construite à partir du XVIIIème siècle pour protéger le village des avalanches en hiver, et des laves torrentielles en été.  Jadis, un bras du Saint Clément partait vers le Nord Ouest, et rejoignait l’Isère en contournant le château des Barons Rosset de Tours. On peut encore voir trace de son chenal chaotique dans les bois qui descendent derrière le Château, entre la Grande Digue et le Carré du Village. Pour domestiquer ce ruisseau impétueux et dévastateur, dans les années 1930, un Maire a fait construire des barrages cyclopéens en amont de la digue, dont le but est de briser la puissance de l’eau. En 1960, un autre Maire a poursuivi ce travail de ralentissement en construisant de nombreux autres barrages en amont des précédents. Ce sont les fameuses 14 cascades en chapelet qu’un sentier permet de visiter dans l’intimité du cours d’eau. 

 A l’autre extrémité du torrent, près de son embouchure, une autre digue avait été construite par l’administration des Ducs de Savoie au XIXème siècle pour assécher le fond de la plaine de Tours, qui jusque là était immergée une grande partie de l’année, au lieu-dit Les Marais ou encore La Pachaudière. Cet ouvrage a été presque complètement détruit lorsqu’il a fallu créer la nouvelle route nationale, en 1960, devenue la 2 X 2 voie en 1991, à la veille des jeux olympiques. Il en reste toutefois un petit tronçon, que l’on peut voir au nord du garage De Alessandri. 

 D’autres curiosités géologiques existent à Tours, comme ce « Clocher de l’âne » qui saille sur la pente abrupte du Saint-Clément, que l’on prendrait volontiers pour une tour féodale ;  ou bien la « Mine d’or », enchâssée dans la falaise,  sur la rive droite du même Grand Ruisseau : une grotte où l’on trouve des fragments de pyrite ;  ou encore les cavernes et les gouffres qui jalonnent le sentier conduisant au lieu-dit « La Tardire », juste en dessous du plateau des Deberts. Et comment ne pas mentionner la pierre à cupule qui servait d’abreuvoir au hameau de La Granzette : un rocher creusé en forme d’auge, qui a la particularité de s’auto-alimenter en eau par une source filtrant à travers les strates de la pierre. Il faut aussi mentionner la cascade du Nant Varin, qui marque la frontière avec La Bâthie, à la pointe sud de la Commune.  En montagne, signalons les « Crèches d’enfer » sortes de dolines creusées naturellement à flanc de montagne, à demi fermées par un verrou rocheux  qui donne à ces cavités l’allure de crèches géantes pour les vaches de Gargantua. Là se réfugiaient les bergers de montagne surpris par l’orage.  N’oublions pas de mentionner le « Pas de l ‘âne », un col qui permet de passer en Beaufortain au pied du Mont Mirantin, juste derrière les crêtes de l’Aulp de Tours. Et toujours dans les hauteurs, rendons visite aux sources du Nant Fornet, au-dessus du Soplat des Nants, qui jaillit puissamment du trou d’une falaise rocheuse comme de la gueule d’un four.

Mais quel géant, quelle créature extra-terrestre a méchamment balafré notre montagne pour lui laisser cette profonde cicatrice que l’on appelle le 

«  Grand Ze » ? Le « Grand Couloir » est une énigme dans notre paysage. Une source archaïque a-t-elle jadis nourri un ruisseau primitif pour creuser ce sillon monumental et rectiligne sur 800 m de longueur ? ? 

  Voilà quelques unes des curiosités de notre paysage : sillonner la montagne en suivant les sentiers séculaires  permettrait sans doute d’en trouver d’autres.

      Patrimoine rural.

Il reste à Tours quelques unes de ces maisons de jadis, ouvertes au sud sur une vaste « galerie » qui permettait l’hiver de travailler à l’abri de la bise, en profitant des rayons du soleil. Les plus riches de ces « lozes », telle qu’on les appelait en patois, étaient protégées de voûtes en fausses arrêtes, sur le modèle des églises et des chapelles baroques. Les plus modestes étaient encastrées sous le toit d’ardoises ou de chaume par une poutraison appuyée sur les piliers en bois ou en pierre. Souvent, un « pouyère », sorte de tonnelle de vigne, s’épaulait sur le mur le long de ces « galeries » pour procurer de l’ombre en été, et du vin en automne. 

   La maison consacrait les trois quarts de son volume aux bêtes et aux réserves de foin, de seigle, de maïs, de feuilles mortes pour la litière. Les vaches vivaient au rez de chaussée, et les réserves de foin s’entassaient au dessus de l’ « écurie » appelée en patois le « beu ». Des trous dans le plancher de la grange au dessus de chaque crèche permettaient de nourrir les bêtes attentives à voir tomber du « denyu » la masse journalière de foin qui leur était due. Au-dessus de la porte de l’écurie, une petite lucarne permettait l’aération continue de cet espace calfeutré où les bêtes passaient les mois d’hiver. En haut dans la grange, sous l’immense toit pentu, s’étageaient plusieurs planchers, les « beywars » où séchaient différentes récoltes de l’été.

On y trouvait aussi le « chwa », ère de battage du blé au fléau.

  Les maisons riches, quant à elles, prenaient toutes de petits airs de châteaux, ainsi appelés d’ailleurs : on parlait du « Château des Avriller » à Saint Pèdes, à côté de l’église Saint Piat, du château des Lassiaz, aux Martinettes, dont il reste la trace toponymique dans le lieu-dit « La Tour », du  Château des Paillardet, avec son toit impressionnant, aussi haut que les murs qui le soutiennent. La marque invariante de ces bâtiments était justement la hauteur du toit à quatre pans, illustré à chaque extrémité de l’arrête sommitale d’une pointe métallique décorative, évoquant une maison noble. C’est aussi ce qui décorait le Château des Rosset, le prince de toutes les autres gentilhommières de Tours. Avec sa façade symétrique organisée autour d’un  perron solennel à double escalier, avec son fronton voussuré orné des armes des Barons, et sa chapelle néogothique attenante au corps de logis, c’est un petit chef d’œuvre d’équilibre et de poésie. Sa tour carrée  et son toit d’ardoises satinées, excessivement incliné, sont la signature d’une vraie noblesse, plus affirmée que les autres : de très loin depuis la route d’Albertville, on peut appréhender  la silhouette paisible, fière et lumineuse de cet ornement  de notre village. 

 Un village autrefois abreuvé par une douzaine de « bachals » où coulait une eau salutaire, babillarde et fugitive. Ils ne sont ni gigantesques, ni sculptés, ni moulurés. Ce sont les plupart du temps de simples bassins de pierres plates jointoyées : leur modestie est la marque de la pauvreté de la population qui les réalisa jadis pour la soif des hommes et des animaux. Les quatre lavoirs du Grand Village signalent l’importance de ce bourg qui fut jusqu’au XIXème siècle le Chef lieu de la Paroisse, alors que les Martinettes, avec leur unique lavoir, n’étaient qu’une étape sur la route de la Tarentaise et de l’Italie. Hélas, au milieu du vingtième siècle, des Maires ont cru bon de brancher la plupart de ces fontaines sur le réseau d’eau potable, ce qui les condamne aujourd’hui au silence pour éviter le gaspillage et les taxes prélevées par l’Agence de l’eau. Mais quelle vitalité bourdonnait jadis aux abords de ces bassins où l’on venait chercher l’eau de la Maison, faire gonfler les tonneaux et récipients de la vendange, et faire boire le bétail au retour des champs. Puissent-ils aujourd’hui servir à désaltérer les coureurs, les cyclistes et autres sportifs de passage, ainsi qu’à entretenir nos fleurs et nos jardins pour flatter la coquetterie de nos maisons et de nos chemins.

  Hélas, beaucoup de témoignages ont disparu de notre paysage : ainsi des fours à pain, dont il ne reste aucun vestige public, même si quelques logis en cachent encore dans leurs dépendances ; ainsi des « stapes », ces granges en bois isolées dans les champs pour resserrer provisoirement des outils et des récoltes ; ainsi des greniers en madriers imbriqués, couverts de lauses, où l’on remisait le grain et les beaux habits du dimanche, pour les sauver des incendies éventuels qui menaçaient les maisons trop intriquées les unes aux autres.  

 

  Patrimoine religieux

La pratique religieuse était jadis à la fois le ciment et la sève de la civilisation rurale. On venait le dimanche à l’église non seulement pour rencontrer Dieu, mais encore pour prendre des nouvelles de la famille dispersée dans les hameaux de plaine ou de montagne. Rien ne se passait sans les signaux de l’église ou des chapelles. Le tocsin des incendies ou des inondations alertait les populations du drame imminent. Les sonneries des cloches signalaient les événements familiaux et liturgiques : le glas pour les défunts, le carillon des fêtes, les tintements des baptêmes et les sonneries des mariages.

Mais la religion avait aussi un rôle prophylactique, c’était une protection contre les malheurs physiques et climatiques. L’alignement parfait de nos trois chapelles votives sur la carte du village témoigne de cette confiance spirituelle. Au sommet, entre les ravins de la montagne et les eaux tumultueuses du Grand Ruisseau, la Chapelle Saint Clément assure une protection contre les dérèglements de la nature : avalanches, glissements de terrain, inondations, laves torrentielles. Clément, le quatrième évêque de Rome, mort noyé dans la Mer Noire sur les ordres de l’empereur Trajan, est tout indiqué contre les dégâts des eaux. Plus bas, à l’entrée du Grand Village, Apolline ou Apollonie est invoquée  contre les maux de dents, puisque la tradition rapporte que ses tortionnaires lui ont arraché les dents sans parvenir à lui faire renier le Christ : elle représente le secours des Hommes contre la maladie et la douleur. Tout au fond, la Chapelle Saint Joseph et Saint Antoine évoque la protection des animaux domestiques, si indispensables à la survie des populations. Ces chapelles trinitaires sont un véritable témoignage des attentes, des craintes, des espérances et des émotions de nos prédécesseurs sur ce sol tourserain. Toutes trois méritent aujourd’hui notre respect, et le souci de les sauvegarder.

  L’Eglise Saint-Piat, quant à elle, curieusement enracinée dans un hameau éloigné du centre, constitue à elle seule un musée d’art et d’histoire. Consacrée en 1680 par l’archevêque de Tarentaise, elle est curieusement dédicacée à un saint évêque du nord de la Gaule, vivant au 3ème siècle, et dont on ne connaît guère les vertus prophylactiques. Malgré la fadeur de ses facultés thaumaturges, le sanctuaire qui lui est dédié regorge de richesses artistiques : toiles peintes, vitraux, boiseries, statuaire, retables et baptistère rivalisent de beauté, sans parler des antiphonaires et des objets liturgiques. Sa voûte fut jadis ornée de frises en trompe l’œil peintes au XIXème siècle par un disciple du grand maître italien Vicario qui décora aussi la cathédrale et la Sainte Chapelle  de Chambéry. Ces ornements ont disparu sous le badigeon en  1970. 

  Si l’on compte la Chapelle Sainte Camille-Saint Ernest qui jouxte le château, Tours peut revendiquer 5 édifices religieux que notre mémoire se doit d’entretenir comme un héritage spirituel qui tint lieu autrefois d’ancrage et de repère au milieu des incertitudes d’une existence fragile et laborieuse. 

Patrimoine industriel.   

 Le Nant de Saint Clément a été jadis le pourvoyeur d’une foisonnante activité industrielle. On a pu compter jusqu’à 12 artifices hydrauliques sur le cours du Canal des Usines, sans compter le Moulin du Revers implanté sur l’un de ses affluents, bien en amont de la Chapelle Saint Clément. Hélas, il ne reste quasi rien de ces industries : moulins, forges, scieries, battoirs, centrales électriques qui jalonnaient le cours de ce canal aménagé au cours du XVIIIème siècle. Il ne reste aucune trace des trois bassins de décantation qui, jouxtant la grande digue de St Clément, réceptionnaient l’eau du Grand Ruisseau pour l’envoyer, dans une conduite forcée, vers la Centrale de l’usine Tivoly, 300 mètres plus bas. Ce bâtiment qui abritait l’énorme dynamo existe toujours. Et c’est aussi la relique de la première centrale de Tours qui subsiste à mi-chemin entre le Grand Village et les Martinettes, sise entre  le chenal et le Chemin de la Scie : une roue à aube métallique y est en train de se détériorer . Ce bâtiment témoigne de l’ingéniosité et du génie mécanique de François Paillardet qui, en 1921,  prit cette heureuse initiative pour le bien et la lumière de toute la Commune. Mais, comme  la roue était mal équilibrée autour de son axe, elle ralentissait à un moment de sa giration, ce qui occasionnait une baisse de tension régulière, et un vacillement répétitif et concomitant dans toutes les maisons éclairées par cette source d’énergie. N’empêche, les Tourserains se sont vite branchés sur ce réseau électrique, tant cette façon de s’éclairer est apparue comme une révolution dans la vie quotidienne. 

     La puissante efficacité du Canal des Usines a pu dispenser son  énergie à trois scieries, une forge, quatre moulins, un battoir à cidre et graines, deux centrales électriques, une batteuse à blé. On imagine le tissage du cliquetis produit par toutes ces mécaniques lorsqu’on approchait du village de Tours !

La plupart de ces artifices était la propriété des Barons, à qui  appartenait en ce temps-là la majeure partie des berges du  Canal des Usines. Un certain nombre des bâtiments qui abritaient ces mécaniques est toujours debout, mais, en perdant la roue à aube qui leur insufflait l’énergie, ils ont abandonné tout signe distinctif de leur fonction première. On peut simplement les repérer au fait qu’ils sont perpendiculaires au cours d’eau qui les alimentait, ( sens nord-sud) alors que l’ensemble des maisons du village lui sont parallèles (sens est-ouest).  En effet, il fallait que l’axe de la roue à aube puisse s’allonger dans le bâtiment pour démultiplier sa puissance motrice et la transmettre aux meules, circulaires, marteaux-pilons et autres machines. 

    

    Patrimoine commercial 

   Les habitants des villages alentour se moquaient volontiers des Tourserains, en leur attribuant cette phrase : « Mà, zè  vin    Tor, a  Tor, lô  ghéfyon, i son  meu » : « Moi, je viens de Tours, à Tours les cerises sont mûres ».

 Et il est vrai que Tours est l’un des villages les plus ensoleillés de toute la Tarentaise, puisqu’à partir du mois d’Avril, le soleil contourne la pointe de Rhonne pour aller mourir languissamment sur la Belle Etoile : notre ensoleillement au 21 juin est de 12 heures complètes, de 8h30 à 20h30. Ce qui est très favorable à la précocité des cerises. Autrefois, beaucoup de monde trouvait un appoint économique à partir vendre les cerises aux villes moins bien loties en soleil : à Moutiers, à Ugine, à Flumet et tout au long des localités qui mènent à ces directions. On mettait le coq dans la cuisine, afin qu’il nous réveille aux prémices de l’aurore, on attelait l’âne ou le mulet, et on partait dès 5 heures du matin rejoindre les marchés concernés. Voilà pourquoi les révolutionnaires entrés en Savoie en 1792 avaient rebaptisé le village en ce joli nom de « Cerisanne », qui décore aujourd’hui le fronton de notre école communale. 

    Un autre commerce de bouche florissant à Tours était celui du vin. Il faut s’imaginer toutes les vignes qui frisonnaient les coteaux en haut du village, avant qu’ils ne soient rendus incultes par la catastrophe climatique de 1911. Déjà, après l’épreuve du phyloxéra, en 1864, il avait fallu espacer les treilles en bordure des parcelles afin d’éviter une nouvelle contagion. Mais Tours était réputé pour son vin autant que pour ses cerises, puisque le soleil d’après-midi, le plus chaud et le plus efficace s’attardait sur nos relief pendant les mois d’été. Les trois cafés du Village, deux aux Martinettes et un à Saint-Pèdes,  ne se fournissaient en vin qu’auprès des producteurs locaux, dont les pressoirs chantaient sous les hangars et les remises pendant tout le mois d’octobre. 

  Patrimoine linguistique.

  

  Au début du XXème siècle, bon nombre de nos concitoyens parlaient le patois en famille et entre voisins. Le Français était réservé à l’école, à l’église, à la justice, à l’administration, et aux discours officiels. Notre patois, affilié à la famille du Francoprovençal, n’est ni du français, ni de l’italien déformé. C’est une évolution particulière du latin, teinté de mots et de structures germaniques issues de l’invasion Burgonde au 5ème siècle de notre ère. Bien qu’elle soit quasi entièrement consacrée aux mots concrets liés à la terre, à la montagne, à l’agriculture et au bétail, notre langue est riche en images évocatrices, et soucieuse d’une grande précision. Le brouillard se dit par exemple « le stenéve », c’est à dire le chanvre, par analogie avec  les filaments entremêlés du chanvre lorsqu’on le teille afin de pouvoir le filer et le tisser.

Et la brume se dit « l’arma du stenéve », c’est à dire, mot à mot, « l’âme du brouillard ». De même, la foudre porte le nom terrifiant de « fwâ du chiye », le « feu du ciel ». 

     Pour la précision, bon nombre de mots patois sont intraduisibles par un mot correspondant en français : il faut passer par une périphrase pour pouvoir assigner un sens à tel ou tel vocable. Par exemple, la « stavachène » est «  la bande qui permet de tourner la charrue au bout du champ », et qui est par conséquent non labourable. Le verbe « éstelyé », quant à lui, signifie « nettoyer un os sans rien laisser autour ». La « tornir » est « le plateau d’une table pour travailler le cochon ». Malgré cette abondance de termes techniques très spécialisés dans la pratique des activités quotidiennes, un certain nombre de mots sont passés dans le langage courant du français où on les utilise toujours, sans même penser qu’ils ne sont pas dans le dictionnaire. Par exemple, la « barotière », chemin de terre au milieu des champs ; ou bien la « râdé », une grosse averse pénétrante et inattendue ; ou un « topin », un pot à eau ou à vin, sans oublier les « bognettes », beignets traditionnels des repas de fête, ainsi que les « crozets », pâtes de blé noir. Certains de ces mots sont même entrés dans le dictionnaire français, tels que « la panosse » reconnu par le Grand Robert pour désigner la serpillère.  Mais le plus savoureux des termes patois lexicalisés est bien le « torlou », et son féminin la « torloche », pour dénommer un individu un peu simplet, atypique et déjanté,  que l’on pourrait traduire par andouille, idiot, ballot.

  Beaucoup de mots de notre antique patois subsistent dans notre toponymie : le Nant Varin, la Combe, la Lanchette, les Lavus,  la Piat, le Soplat des nants, la Granzète, le Châr , les Chapogères  ainsi que dans bon nombre de patronymes : Lassiaz, Pratabuy, Franc-Carmitran , ….

  Ces mots sonnent comme les derniers restes d’une langue qui a perdu sa raison d’être en perdant la civilisation rurale dont ils étaient le véhicule linguistique. Mais notre patois a été la première langue parlée sur notre terre et, à ce titre, mérite d’être mentionnée dans le patrimoine culturel de notre village.  

      L’ensemble de ces reliques patrimoniales, toujours présentes ou déjà effacées de notre paysage, tangibles ou immatérielles, constituent la spécificité culturelle de notre coin de Terre. Nous souhaitons qu’elles soient une chaîne entre le Présent et le Passé, mais aussi un lien entre les habitants enracinés depuis longtemps dans notre village, et ceux qui l’ont choisi récemment pour y établir leur demeure et leurs relations humaines.

   Et ainsi, la richesse patrimoniale de Tours se mettra au service de son avenir.

                                                                Bernard Vannier

                               Contact :       patoishieretdemain@gmail.com                 

Histoire de la commune

Le nom de la Commune de Tours-en-Savoie prend sa source au Moyen- Age, du fait de la présence de fortifications féodales dont l’existence est attestée dès la fin du XIIe siècle. Cependant, c’est à Tours qu’aurait été érigé à l’époque gallo-romaine la douane générale d’entrée en Gaule, là où la route romaine forme un virage tordu, un tors (autre hypothèse étymologique d’origine celtique du nom de Tours). L’existence de la paroisse de Tours est officiellement attestée pour la première fois, dans une bulle du Pape Alexandre III datée de 1176. Tours est alors désigné suivant différentes appellations : parrochia ou seigneurie de Turonis, de Tors ou de Turre, autant d’appellations qui confortent l’hypothèse de l’origine féodale du nom de Tours.  Le nom de la paroisse de Sancto Pio (Saint Piat) apparaît également pour la première fois en 1176 dans une concession du comte de Savoie Humbert III (1148-1189) à l’archevêque de Tarentaise. L’existence d’une église paroissiale est attestée en 1213. Elle aurait été située au-dessus de l’actuel hameau du Désert, au lieu-dit Villaret avant d’être ensevelie au XVème siècle par un terrible éboulement, avant d’être reconstruite à son emplacement, puis agrandie en 1675 dans ses proportions actuelles.

 A l’issu de la période féodale, le calme revenu, Tours devient le lieu de villégiature pour la noblesse locale.  En 1326 est citée une certaine Marguerite d’Aymloz de Lodognifrey de Tours. Un peu plus tard, Jacques Darnolet, secrétaire du duc de Savoie y trouve résidence et se voit accorder l’usage du cours d’eau du Grand Ruisseau en 1524, par le duc de Savoie et y développera quelques petites forges appelées martinettes.

Par sa position stratégique à l’entrée de la Tarentaise, Tours se trouve plongé au cœur des conflits qui opposent les ducs de Savoie avec le roi de France, du XVème au XVIIIème.  En 1536, le duc de Savoie Charles III prend position pour l’empereur Charles Quint contre François 1er. Après six mois de guerre au printemps 1537, l’armée française vient à bout des citadelles fortifiées de Conflans et de Tours. La Commune est occupée durant 23 ans par l’armée française.  Cette guerre est très meurtrière, si bien que lors du recensement de 1561, la paroisse de Saint Piat ne compte plus que 341 habitants. Tours est à nouveau occupé en octobre 1600 par les troupes françaises sous Henri IV, puis en 1628-1631 par Louis XIII, et à nouveau par Louis XIV en 1710 : « le 28 du mois de juillet dernier, les troupes de France après la bataille de Tours vinrent camper aux Esserts, sur le territoire de l’Hôpital sur divers champs tous ensemencés et prêts à moissonner… » 

Le XVIIIe siècle sera également un siècle maudit pour les habitants de Tours du fait des ravages causés par les guerres qui entraînent des épidémies, la famine, mais aussi à cause de nombreuses catastrophes naturelles : glissements de terrain, inondations… Ainsi est érigée en 1677, la chapelle de Saint Clément (Saint protecteur invoqué contre les inondations), que l’on retrouve également sur un vitrail du chœur de l’église. En 1732, un terrible débordement du Grand Ruisseau détruira une grande partie des cultures et des vignes de la commune. Aussi, les tourserains font édifier une digue en 1787 pour détourner le Grand Ruisseau en direction du Nant Varin.

Suite à la canalisation du Saint Clément (désormais appelé canal des Usines), se développe au cours du XVIIIème et XIXème siècles une petite industrie, comme le mentionne la mappe sarde de 1728. Huit fabriques fonctionnent alors sur les rives du canal des Usines : quatre moulins, deux martinets, un battoir et une scierie. En 1830, le baron Michel Marie Rosset est autorisé à adjoindre au moulin, un foulon, que l’on l’appellera plus communément la pigerie. Il était utilisé pour écraser le chanvre et les pommes pour faire du cidre. Cette petite activité est complétée par la culture de la vigne qui va permettre à la noblesse tourseraine de s’enrichir et d’agrandir l’ancien château médiéval situé au lieu-dit la Tour Damoz, (ainsi dénommé sur la mappe sarde de 1728) et appartenant alors au noble Joseph Darnolet, dont la fille, Marie épousera Ignace Rosset , qui deviendra en 1772 le 1er baron de Tours, un titre acquis pour la somme de 10.000 livres.  

C’est au milieu du XIXème siècle que le baron Ernest Rosset (4ème baron de Tours) entreprendra la restauration de l’actuel château de Tours, de 1855 à 1869, et lui adjoindra une chapelle consacrée par le pape Pie IX.

 Lorsque les troupes révolutionnaires françaises arrivent en Savoie, en septembre 1792, Claude-Philibert Rosset (2ème Baron de Tours) occupe la charge d’intendant des finances de Tarentaise.  Après une période d’emprisonnement, il échappera à la terreur sous Robespierre. La Commune de Tours, alors appelée Tours-sur-Isère sera rebaptisée par les révolutionnaires Cerisanne, (d’où son blason actuel) en raison des nombreux cerisiers en fleurs qui marquaient à l’époque le paysage.

C’est à la fin du XVIIIème siècle que débutent les premiers travaux d’équipements publics de la commune. En I868 est établi un premier projet d’installation de fontaines publiques et d’adduction d’eau qui se poursuivra jusqu’à la fin des années 50.  Au début des années 20, Joseph Paillardet, un forgeron de métier, entreprend de produire de l’électricité en utilisant l’énergie hydroélectrique produite grâce au canal des usines. Il fait réaliser une roue en bois par un menuisier en 1923 pour mouvoir son usine. Très vite, il alimente les fermes et les maisons du Village. Les habitants des Martinettes, réclament à l’inventeur, l’extension de son installation. En 1931-1935 Alphonse Planay transforme l’ancien moulin à plâtre Vicher des Martinettes, en une usine hydroélectrique.

La première école de Tours est fondée en 1773-1784 avant la construction d’un premier bâtiment en 1784 alors situé au-dessus de la chapelle Sainte Appolonie (patronne des dentistes). Cette chapelle sera fondée en 1773 et sa cloche servira durant longtemps de moyen d’alerte incendie.  Une nouvelle Ecole-mairie sera construite en 1862-1869 au chef-Lieu. La mairie actuelle date de 1955.

Une gare sera construite à Tours en 1891 desservie par la ligne Albertville-Moûtiers qui sera achevée en 1893. Elle cessera toute activité au début des années 1980., 

Le XXème siècle sera marqué par la famille Tivoly.  En 1917, Lucien Tivoly rachète l’usine de concassage de plâtre qui existait aux Martinettes afin de produire ses premiers forets. En 1921 il fait construire en haut du canal, une usine moderne à la Perrière, avec une centrale hydroélectrique. Jean Michel Tivoly reprendra l’usine de son grand père, Lucien en 1961. Avec une trentaine de personnes, Il fondera une nouvelle usine au lieu-dit la Comterie. C’est en 1984 que le Groupe Tivoly fera construire l’usine du Nant-Varin. Tours est également le siège d’une l’entreprise fondée par Charles Paillardet en 1961, puis reprise par son fils, Jean-Claude Paillardet. Cette société est spécialisée dans la construction mécanique et hydraulique et dans la fabrication d’appareils de levage et de halage utilisés par la gendarmerie. En 2003 s’est installé ZAC Porte de Tarentaise, le siège de la société Kässbohrer Piston Bully spécialisée dans la réparation et la vente des engins de damage sous la mandature de Florian DROUET, co-président fondateur de la Communauté de Communes d’Albertville et maire de l’époque. 

Sources Extrait de l’Histoire de Tours-en-Savoie, Florian DROUET – Cahiers du vieux Conflans. N° 162 La Fontaine SiIoé